vendredi 4 mai 2012

La Déclaration de _Schuman


La déclaration du 9 mai 1950


La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers
qui la menacent.
La contribution qu'une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable
au maintien des relations pacifiques. En se faisant depuis plus de vingt ans le champion d'une
Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix.
L'Europe n'a pas été faite, nous avons eu la guerre.
L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble: elle se fera par des
réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations
européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée: l'action
entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne.
Dans ce but, le gouvernement français propose de porter immédiatement l'action sur un point
limité mais décisif:
"Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de
charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la
participation des autres pays d'Europe."
La mise en commun des productions de charbon et d'acier assurera immédiatement
l'établissement de bases communes de développement économique, première étape de la
Fédération européenne, et changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des
armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes.
La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et
l'Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible. L'établissement
de cette unité puissante de production ouverte à tous les pays qui voudront y participer,
aboutissant à fournir à tous les pays qu'elle rassemblera les éléments fondamentaux de la
production industrielle aux mêmes conditions, jettera les fondements réels de leur unification
économique.
Cette production sera offerte à l'ensemble du monde sans distinction ni exclusion, pour participer
au relèvement du niveau de vie et au développement des oeuvres de paix. L'Europe pourra, avec
des moyens accrus, poursuivre la réalisation de l'une de ses tâches essentielles: le développement
du continent africain.



Ainsi sera réalisée simplement et rapidement la fusion d'intérêts indispensable à l'établissement
d'une communauté économique et introduit le ferment d'une communauté plus large et plus
profonde entre des pays longtemps opposés par des divisions sanglantes.
Par la mise en commun de productions de base et l'institution d'une Haute Autorité nouvelle, dont
les décisions lieront la France, l'Allemagne et les pays qui y adhéreront, cette proposition réalisera
les premières assises concrètes d'une Fédération européenne indispensable à la préservation de la
paix.
Pour poursuivre la réalisation des objectifs ainsi définis, le gouvernement français est prêt à ouvrir
des négociations sur les bases suivantes.
La mission impartie à la Haute Autorité commune sera d'assurer dans les délais les plus rapides: la
modernisation de la production et l'amélioration de sa qualité; la fourniture à des conditions
identiques du charbon et de l'acier sur le marché français et sur le marché allemand, ainsi que sur
ceux des pays adhérents; le développement de l'exportation commune vers les autres pays;
l'égalisation dans le progrès des conditions de vie de la main-d'oeuvre de ces industries.
Pour atteindre ces objectifs à partir des conditions très disparates dans lesquelles sont placées
actuellement les productions des pays adhérents, à titre transitoire, certaines dispositions devront
être mises en oeuvre, comportant l'application d'un plan de production et d'investissements,
l'institution de mécanismes de péréquation des prix, la création d'un fonds de reconversion
facilitant la rationalisation de la production. La circulation du charbon et de l'acier entre les pays
adhérents sera immédiatement affranchie de tout droit de douane et ne pourra être affectée par
des tarifs de transport différentiels. Progressivement se dégageront les conditions assurant
spontanément la répartition la plus rationnelle de la production au niveau de productivité le plus
élevé.
A l'opposé d'un cartel international tendant à la répartition et à l'exploitation des marchés
nationaux par des pratiques restrictives et le maintien de profits élevés, l'organisation projetée
assurera la fusion des marchés et l'expansion de la production.
Les principes et les engagements essentiels ci-dessus définis feront l'objet d'un traité signé entre
les Etats. Les négociations indispensables pour préciser les mesures d'application seront
poursuivies avec l'assistance d'un arbitre désigné d'un commun accord; celui-ci aura charge de
veiller à ce que les accords soient conformes aux principes et, en cas d'opposition irréductible,
fixera la solution qui sera adoptée. La Haute Autorité commune chargée du fonctionnement de
tout le régime sera composée de personnalités indépendantes désignées sur une base paritaire
par les gouvernements; un président sera choisi d'un commun accord par les gouvernements; ses
décisions seront exécutoires en France, en Allemagne et dans les autres pays adhérents.

Des dispositions appropriées assureront les voies de recours nécessaires contre les décisions de la
Haute Autorité. Un représentant des Nations unies auprès de cette autorité sera chargé de faire
deux fois par an un rapport public à l'ONU rendant compte du fonctionnement de l'organisme
nouveau, notamment en ce qui concerne la sauvegarde de ses fins pacifiques.
L'institution de la Haute Autorité ne préjuge en rien du régime de propriété des entreprises. Dans
l'exercice de sa mission, la Haute Autorité commune tiendra compte des pouvoirs conférés à
l'autorité internationale de la Ruhr et des obligations de toute nature imposées à l'Allemagne, tant
que celles-ci subsisteront.




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